Le Conseil international pour l’exploration de la mer, désireux de marquer le coup, a préconisé cette année de ne pêcher aucune anguille européenne.

Depuis une dizaine d’années, les scientifiques alertent sur la situation critique de l’anguille européenne (Anguilla anguilla), principalement pêchée en France, au Royaume-Uni, en Estonie et en Belgique. Cette année, le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM), qui fournit à la Commission européenne un avis sur l’état de la population d’anguilles et la quantité pouvant être prélevée au cours de la saison prochaine de pêche, a rendu un chiffre clair : zéro. Mais cet avis, qui semble avoir pris de court les professionnels, dissimule une réalité plus complexe.

« Il n’y a pas eu d’effondrement particulier l’an dernier, précise Alain Biseau, chercheur en halieutique et membre du comité d’avis du CIEM. La situation des anguilles est toujours aussi critique qu’il y a dix ans, c’est-à-dire que le taux de recrutement [proportion de civelles arrivant sur les côtes, ndlr] pour 2021 était situé entre 1 et 5 pour cent par rapport à la période de référence, de 1960 à 1979. La diminution des populations d’anguilles est due à plusieurs facteurs. La pêche, bien sûr, mais aussi la pollution des rivières, les barrages, les centrales hydroélectriques, et la perte d’habitat. Les précédents avis du CIEM préconisaient une limitation de tous ces facteurs pour aider les anguilles à se régénérer. Cette fois, par souci de clarté, le CIEM a souhaité séparer la pêche des autres causes de mortalité, tout en rappelant l’importance de ces dernières dans la réduction des populations d’anguilles. »

Le Conseil européen a annoncé que la décision, reportée, sera discutée au sein de comités consultatifs composés de représentants des pêcheurs, de décideurs politiques et d’ONG. En attendant, les mesures déjà en place depuis l’adoption d’un règlement européen en 2007 sur l’anguille continueront d’être appliquées, à savoir notamment l’interdiction de son exportation vers l’Asie ainsi que la fermeture pendant trois mois, à des époques de l’année différentes selon les régions, de la pêche à l’anguille jaune et argentée.

« En France, le règlement a conduit à une réduction de moitié de la flottille de pêche et la mise en place de quotas sur les civelles afin de réduire de 60 pour cent l’effort de pêche, comme le souhaitait le règlement européen, précise Marie Lecomte, chargée de mission au Comité national des pêches. Pour les professionnels, cet avis du CIEM est inquiétant, car il donne l’impression que les pêcheurs n’ont pas rempli ces objectifs. Il faudrait maintenant réellement prendre des mesures concernant les autres facteurs. »