Des travaux sur la Loire vont supprimer les épis, ouvrages construits au cours du XXe siècle pour en modifier le lit.

Les travaux ont commencé début septembre, entre Montjean-sur-Loire et Ingrandes, dans le Maine-et-Loire. L’objectif : raccourcir ou supprimer, à l’aide de grandes pelleteuses, une vingtaine d’épis qui émaillent la Loire. Aménagés au début du XXe siècle, ces petits murets transversaux étaient censés concentrer l’écoulement pour faciliter la navigation. En réalité, ils ont bridé le fleuve. Porté par Voies navigables de France (VNF), ce programme dit de « rééquilibrage de la Loire » doit durer quatre ou cinq ans, les travaux n’étant réalisables qu’à l’automne, lorsque les eaux sont basses.

Contrairement à une idée reçue, la Loire n’est pas un fleuve sauvage. « Même si elle n’accueille pas de barrage, que ses niveaux d’eau restent naturels, son lit a été modifié et aménagé », explique Séverine Gagnol, cheffe de l’unité territoriale de la Loire aval pour VNF. Trois actions cumulées impactent notamment sur son cours actuel. D’abord, ces épis, – environ sept cent cinquante ont été édifiés entre Nantes et Les Ponts-de-Cé –, ensuite la grande quantité de sable entre la Seconde Guerre mondiale et 1990. Enfin, les travaux de déroctage et de dragage menés par l’État dans les années 1970 au niveau de Bellevue. En faisant sauter à l’explosif la roche et le bouchon vaseux afin d’« améliorer » la navigation, les aménageurs ont supprimé le verrou naturel entre Loire estuarienne et Loire fluviale. Ils ont ainsi permis à la marée à remonter plus haut, tandis que le lit de la rivière s’est drastiquement abaissé. Aujourd’hui sur le secteur nantais, la Loire coule quatre mètres plus bas qu’au début du XXe siècle, et de nombreux bras, déconnectés du cours principal, s’assèchent.

Il y a trente ans déjà, les services de navigation constataient une baisse des niveaux. Depuis 2015, plusieurs études ont été lancées pour déterminer comment intervenir sur la rivière et ses berges. Des expérimentations ont remodelé certains épis, notamment vers Chalonnes, dans les années 2010.

Des chantiers de « dévégétalisation » ont aussi été menés pour ouvrir des bras. « Ces travaux doivent redonner de la liberté à la Loire, poursuit Séverine Gagnol. On va libérer du sable qu’elle pourra charrier et son chenal d’étiage pourra ainsi se déplacer. » L’an prochain, plus d’une centaine d’épis devraient être à leur tour traités autour d’Ancenis. Puis la troisième phase se tiendra à Bellevue, dans les environs de Sainte-Luce-sur-Loire. Un ouvrage y sera créé, pour retrouver ce rôle de transition entre Loire fluviale et Loire estuarienne. «On espère voir les premiers changements d’ici quatre ou cinq ans, autour des épis modifiés, précise Séverine Gagnol. Sur le secteur de Bellevue, l’échéance va être plus longue, une trentaine d’années.» Ainsi les aménageurs espèrent que cette mobilité retrouvée par les eaux jouera en faveur de la biodiversité, des sternes et des oiseaux nicheurs qui privilégient les bancs de sable isolés, à l’abri des prédateurs. Tout comme les poissons, brochets, anguilles ou aloses, se servant des bras secondaires pour se nourrir et se reposer. Quant aux tirants d’eau, déjà faibles dans ce secteur navigable, ils ne devraient pas être trop dégradés. « Sans doute, le chenal sera plus mobile, il faudra baliser plus régulièrement », complète la spécialiste. Le risque d’inondation ne devrait pas non plus augmenter, l’écoulement étant facilité.

Avec un budget de 45  millions d’euros, ce chantier est financé par l’Agence de l’eau Loire Bretagne, la région Pays de la Loire, le Fonds européen de développement régional Bassin de la Loire et Voies navigables de France.