On se souvient tous du plan Mellick. Lancé en mars 1991, il subventionnait la casse de bateaux, parfois en bon état, pour répondre à la volonté de l’Union Européenne de réduire la flotte de pêche de 40 pour cent. Bien que brutale, cette mesure était justifiée du point de vue halieutique : la plupart des stocks de poissons de l’Atlantique Nord-Est étaient sur le point de s’effondrer, victimes de surpêche. On avait construit trop de bateaux.

Jusqu’à récemment, cette politique s’est poursuivie, entraînant la perte de plus de la moitié du nombre de navires et de marins. Pour construire une unité neuve, il fallait sortir de la flotte un bateau de puissance égale ou un peu supérieure, et le renouvellement se faisait au compte-goutte. En 2005, l’interdiction de toute aide à la construction est encore venue renforcer ce dispositif. Grâce à ces mesures, la plupart des stocks de poissons européens de l’Atlantique Nord se sont reconstitués. La dernière réforme de la politique des pêches, en 2014, a ainsi pu envisager de changer d’objectif. Jusque là, elle visait à éviter l’effondrement des stocks et donc la fin de certaines pêcheries, comme ce fut le cas pour la morue de Terre-Neuve. Désormais, elle veut qu’ils soient au mieux de leur forme et n’en prélever qu’une petite fraction, sans jamais compromettre leurs capacités de reproduction, ce qui est nettement plus ambitieux. Les économistes des pêches qualifient cet objectif de « rendement maximum durable ».

À ce jour, 48 pour cent des volumes de poissons pêchés en France sont déjà issus de stocks exploités durablement, alors que 27 pour cent des stocks sont encore « surpêchés »… au regard, cette fois, de ce nouvel objectif – les autres ne faisant pas l’objet d’un suivi scientifique. La tendance globale reste à la baisse de l’effort de pêche et à l’amélioration de la ressource.

Mais le blocage de la construction de bateaux neufs et les plans de casse ont eu d’autres conséquences : en France métropolitaine, il ne reste que 4 500 bateaux de pêche – dont les deux tiers mesurent moins de 12 mètres – et l’activité de nombreux ports et territoires a, du coup, fortement diminué. La flotte française a également beaucoup vieilli, passant de seize ans de moyenne d’âge en 1990 à vingt-sept ans aujourd’hui. La sécurité et le confort des marins s’en ressentent ; la rentabilité des bateaux aussi. Le prix des unités d’occasion ayant également flambé, la profession n’attire plus les jeunes…

Les vieux bateaux ne pouvant être prolongés indéfiniment, on assiste cependant depuis quelques mois à une amorce de renouvellement de la flottille, sous contrôle de l’État et de l’UE. Pour la période 2021-2027, les députés européens ont souhaité réintroduire des subventions à la construction, notamment pour aider les pêcheurs artisans qui peinent à financer leur outil de travail. Les ONG environnementalistes, hostiles à ces subventions, ont aussitôt crié au scandale. Il ne s’agit pas de reproduire les erreurs du passé, mais veut-on vraiment la mort du pêcheur ?