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Le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines est chargé de gérer tous les vestiges dans les eaux françaises. Ses archéologues mènent également de grandes campagnes de fouilles sur des épaves jugées emblématiques. L’été dernier, nous avons embarqué avec eux sur le navire scientifique Alfred Merlin pour deux jours de recherches sur les restes d’un navire à clins du XVIe siècle, retrouvé dans la passe des sanguinaires, près d’Ajaccio.

En 1948, une épave est découverte grâce à un talus d’amphores au Grand Congloué, devant les calanques marseillaises, par 37 à 42 mètres de fond. Elle est fouillée entre 1952 et 1957 par une équipe menée par Jacques-Yves Cousteau depuis la Calypso au cours de ce qui sera la toute première campagne au monde de cette ampleur. À cette occasion, les plongeurs mettent au point la suceuse à sédiments, outil toujours utilisé aujourd’hui. Malgré ces avancées, les fouilles provoquent une querelle entre l’équipe des plongeurs et des archéologues terrestres venus sur place. En effet, les premiers identifient un navire à deux ponts tandis que les seconds estiment qu’il pourrait en fait s’agir de deux épaves distinctes, superposées, celle du dessous étant possiblement plus ancienne d’un siècle. Par ailleurs, les méthodes de fouille, jugées trop destructrices, sont vivement critiquées par les scientifiques.

Ce débat révèle le besoin de professionnels pour favoriser l’essor de cette jeune discipline qu’est l’archéologie sous-marine. D’autant qu’avec la démocratisation du scaphandre autonome, les découvertes d’épaves se multiplient, et avec elles, les pillages. En 1966, le ministre de la Culture, André Malraux, crée la Direction des recherches archéologiques sous-marines (DRASM). Le terme « subaquatiques » viendra s’ajouter à l’acronyme en 1996 afin d’inclure dans les prérogatives du DRASSM la partie fluviale. Aujourd’hui encore, cet organisme, devenu un département du ministère de la Culture, emploie une petite quarantaine de personnes, installées dans un bâtiment moderne sur la plage de l’Estaque à Marseille – le département avait d’abord établi ses quartiers au Fort Saint-Jean. « Depuis la dernière législation sur le code du Patrimoine, en 1989, précise Arnaud Schaumasse, directeur du DRASSM depuis 2022, tout ce qui est trouvé et qui n’a pas de propriétaire défini appartient au DRASSM, c’est-à-dire à la collectivité. Cela vaut pour les vestiges des navires comme pour le moindre petit fragment de céramique. »

Au sein de l’équipe, on retrouve bien sûr des archéologues, certains en charge d’une façade maritime, à l’instar de Marine Sadania pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, d’autres plus spécialisés dans la conservation des objets, les archives, la documentation… « Nous comptons aussi des spécialistes de robotique sous-marine, l’un des principaux axes de développement du département », précise Arnaud Schaumasse. Le DRASSM emploie également des contrôleurs d’opérations hyperbares pour assurer la coordination des plongées. « Et puis nous avons tout le personnel administratif évidemment, pour gérer les relations avec les autres institutions, les collectivités territoriales, l’État, les structures de recherches archéologiques étrangères… » Les différentes fouilles menées par le DRASSM depuis sa création permettent de faire progressivement évoluer la discipline, d’abord très tournée vers les épaves antiques. Jusqu’en 1980 en effet, les vestiges datant des autres périodes suscitaient moins d’intérêt : « C’est bien connu que l’on sait tout de ces époques, puisque tout est déjà écrit dans l’archive », ironise Michel L’Hour, archéologue sous-marin depuis 1979 et directeur emblématique du DRASSM de 2006 à 2022, dans son livre.

De « L’Archéonaute » à « l’André Malraux », Portraits intimes et histoires secrètes de l’archéologie des mondes engloutis (2012). Les fouilles menées par Max Guérout de 1980 à 1981 sur le Slava Rossii, naufragé en 1780 au large de l’île du Levant, permettent de changer la vision des épaves de l’époque moderne grâce à la découverte d’un important mobilier de bord, comprenant des icônes de voyage qui indiquent que les membres d’équipage étaient des Chrétiens orthodoxes, et donnant un aperçu de la vie des quelque cinq cents personnes à bord. Cette ouverture aux épaves des époques moderne, puis contemporaine, soutient aussi la recherche en Atlantique. L’invention de vestiges sous-marins ne faisant que progresser à mesure que l’on avance dans l’exploration d’espaces auparavant inaccessibles, il a fallu arrêter de vouloir tout fouiller systématiquement. Aujourd’hui, toutes les épaves sont soigneusement répertoriées, expertisées mais pas forcément fouillées.

Les projets comme celui de Sanguinaires C passent devant une commission de pairs qui valident ou non la mise en place d’un programme, selon l’intérêt archéologique et historique de l’épave pour la recherche.

Extrait de l’article Archéologues en plongée, une journée aux sanguinaires, publié dans le Chasse-Marée n°331.

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