L’Espérance quitte Paimbœuf pour Lorient le 28 février 1748, sous le commandement du sieur Claude Lory. Elle y reste quelques mois, le temps de son armement, puis appareille, le 27 juillet, à destination du Bengale sous les ordres du capitaine Pierre de La Vigne Buisson.

Elle fait d’abord route sur le Sud du Brésil et mouille en octobre à l’île Sainte-Catherine, pour s’approvisionner en bois et en eau. Le 27 octobre, elle lève l’ancre et cingle vers le cap de Bonne-Espérance, qu’elle franchit le 30 novembre. Elle vogue ensuite sur Sumatra, qu’elle atteint à la mi-février 1749, avant de poursuivre sur l’Inde.

Le 24 février, l’Espérance accoste à Pondichéry où elle débarque des soldats. Ensuite, elle fait route sur le Gange, fleuve qu’elle remonte jusqu’à Chandernagor, où elle débarque des passagers le 12 avril. Cette escale s’éternise pendant neuf mois en raison d’avaries à réparer et ce n’est que le 4 janvier 1750 que le navire entame son retour en France. Il charge diverses marchandises (bois rouge, salpêtre, cauris, tissu, etc.) au cours de la descente du Gange, avant de faire route sur le cap de Bonne-Espérance. Mais le 3 mai, au Sud de Madagascar, son vaisseau faisant beaucoup d’eau, le capitaine décide de rebrousser chemin et de faire escale à l’île de France (Maurice) pour effectuer les réparations nécessaires. Le 23 mai, il y mouille et y reste jusqu’au 12 novembre. Il repart alors pour Lorient, route interrompue par une seule escale, à Sainte-Hélène, pour s’y ravitailler.

Sur la route des Indes le navire talone

Le dimanche 21 mars 1751, parvenue au large des Glénan, l’Espérance est frappée par une tempête. Le capitaine fait mouiller le navire dans le Sud des îles, mais les mouillages cèdent les uns après les autres. Le 23, la dernière ancre du bord est mouillée ; le temps s’est un peu calmé. Le capitaine décide d’appareiller pour gagner un meilleur abri à l’intérieur de l’archipel.

Hélas ! à 10 heures, le navire talonne et s’échoue. Comme la coque est en mauvais état, elle est vite inondée. Le capitaine fait débarquer tous les passagers et les gens inutiles à bord sur l’île Saint-Nicolas. Le reste de l’équipage commence à décharger les marchandises.

Une opération de sauvetage des produits contenus dans les cales est alors organisée par la Compagnie des Indes. Elle dure plusieurs mois, avec la participation d’une partie de l’équipage. Toutes ces marchandises seront acheminées à Concarneau et à Lorient par des chasse-marée. L’épave du navire est alors abandonnée…

La société d’archéologie et de mémoire maritime de Fouesnant retrouve les traces

Deux siècles et demi après ces événements, les plongeurs de la Société d’archéologie et de mémoire maritime (SAMM) de Fouesnant ont souhaité retrouver la trace de ce naufrage. En 2000, ils ont enquêté auprès des chasseurs sous-marins qui avaient eu l’occasion de plonger aux Glénan et passé des heures à explorer des plateaux rocheux interdits aujourd’hui. C’est ainsi qu’a pu être recueilli le témoignage de Patrick Legrand, qui s’est souvenu que « dans les années soixante-dix, deux vieux plongeurs avaient vu trois canons sur la Queue de Men Liou ».

À partir de cet indice et des informations contenues dans le journal de bord du navire, une opération de recherche des ancres abandonnées par l’Espérance a été montée en mai 2014, en collaboration avec le club de plongée Actisub de Fouesnant. Cette prospection a abouti à la découverte de quatre ancres et d’un canon de 8 livres.

Beaucoup d’éléments – le nombre d’ancres, leur forme et leur localisation – permettent de penser que ces pièces appartenaient bien à l’Espérance.

En septembre 2015, la SAMM a informé le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) du résultat de ses fouilles au pied des roches de la Queue de Men Liou. L’année suivante, du 15 mai au 15 juin, elle a piloté une nouvelle opération pour tenter, cette fois, de retrouver l’épave de l’Espérance.

À partir du journal de bord, une zone de prospection a été définie, que les équipes de la SAMM ont explorée à l’aide de magnétomètres tractés par un navire, les plongeurs allant ensuite vérifier les informations détectées. Beaucoup d’anomalies magnétométriques ont ainsi été relevées, mais elles étaient dues à des objets métalliques sans rapport avec le mobilier archéologique recherché.

Aucune de ces anomalies n’a donc permis de localiser l’épave du navire. On peut cependant estimer avoir levé le doute dans la zone prospectée. L’opération n’est donc pas un échec car elle a permis, outre la mise en place de toute une organisation humaine et matérielle, de circonscrire la zone de recherche. Une nouvelle prospection est prévue cette année, avec l’espoir de découvrir, cette fois-ci, l’épave de l’Espérance.

Jean-Yves Le Lan et Philippe Bodénès

Crédit iconographique : Philippe Bodénès