Pour analyser la prolifération des microalgues toxiques dans la rade de Brest, des chercheurs de l’IFREMER, du CNRD et de l’UBO ont réalisé une étude paléogénétique – analyse d’ADN anciens – des phytoplanctons depuis le Moyen Âge en prélevant des carottes de sédiments de plusieurs mètres dans le havre brestois, la rivière de Daoulas et l’Élorn. Les résultats, publiés dans la revue Current Biology en juin dernier, témoignent d’un changement radical des espèces à partir de la Seconde Guerre mondiale, notamment au sein de la communauté des algues dinoflagellées, l’un des plus grands groupes de phytoplanctons, de couleur rouge et orange.

L’étude montre ainsi que depuis le Moyen Âge et jusqu’à 1945 environ, la communauté des dinoflagellés est majoritairement représentée par un groupe d’espèces, les Suessiales. Après la Seconde Guerre mondiale, en revanche, les Suessiales et de nombreux groupes minoritaires disparaissent au profit des Gonyaulacales, principalement les algues toxiques du genre, dont Alexandrium minutum, responsable des marées rouges estivales. Un remplacement similaire est observé au sein d’une autre communauté, celle des straménopiles, aujourd’hui dominé largement par le genre auquel appartient l’algue toxique Pseudo-Nitzschia. « Ce qui est notable, précisent les scientifiques, c’est que des groupes autrefois très marginaux, voire inexistants dans ces eaux, ont pris la place d’espèces majoritaires, les faisant disparaître. Ces évolutions sont, à l’échelle de notre étude, irréversibles. »

Dans un second temps, les chercheurs ont étudié l’évolution de la concentration des contaminants connus pour provoquer la prolifération de ces algues toxiques. Plusieurs métaux lourds – le plomb, le nickel, le lithium, l’aluminium et le mercure – ainsi que les polychlorobiphényles (PCB) ont ainsi été ciblés. « Les pics de concentrations de plomb et de nickel observés au début des années 1940 sont liés directement à la Seconde Guerre mondiale, Brest ayant été fortement bombardée, expliquent les chercheurs. Après la guerre, les concentrations de mercure et de pcb augmentent de façon progressive pour atteindre un pic en 1981 : c’est la période où une agriculture intensive s’est développée dans la région. » On peut s’étonner que les chercheurs n’évoquent pas la pollution au pcb liée aux navires de la Marine nationale.