« Gaffe à toi, marin
Méfie-toi des janviers qui enterrent les soleils
L’aveugle avance en sous-main
Gaffe à toi, marin,
Méfie-toi d’la vergence, sous-marin
Et la mer sous ta quille chahutée
Berce tes flancs d’un roulis dérobé.
Véracité et Voracité
Canne blanche et roman noir
L’eau à la bouche, mal de mer et dégueulis
Tu navigues avec la mort par en dessous
Et d’un coup, tous tes feux sont éteints
La bête a tout avalé.

« Eh, matelot ! tu rêves ou tu crèves ?
Ouvre les yeux, réveille-toi, tu sais où tu es ?
Dans le creux et dans le coeur de la vague,
Tragédie et déploiement, la règle a ses règles de barre
Le premier qui enfile ses bottes
Manilles et épissoirs
À mailler le U-Boot
Soudain c’est la croche à marquer sur la carte le pas de l’histoire
Un monde qui chavire à la position
49°42’ N – 05°10’ W
SOS, le sacré est touché. »

Marin, m’a confié un ami à lui, Loïc Loussouarn était un artiste, et qui pêchait fin. Rangé à présent des palangres, il a gardé l’art de poser ses lignes. Celles-ci ne sont plus, comme il en avait coutume, boëttées aux « crabes de vent ». Il s’est mis aux vers. Aux vers libres, bien entendu. Il écrit, il slamme, il chante, il crie dans le silence fait aux morts, et contre celui, pire, de la vérité qui reste cachée. C’est en pensant aux cinq marins du chalutier Bugaled Breizh, disparu corps et biens le 15 janvier 2004 à 12 h 48. Une affaire classée pour la justice, mais sur laquelle la lumière reste à faire. « Même vide, la main ne lâche rien », Loïc Loussouarn le dit bien.

> Bugaled Breizh – Un non-lieu sous la mer, Loïc Loussouarn, dessins de Veig, Éditions du Passavant, 80 p., 19 €