Le 13 octobre 2016, l’association Patrimoine maritime et fluvial (PMF) a attribué son millième label BIP (bateau d’intérêt patrimonial). Présidée par Gérard d’Aboville, l’association est issue de la Fondation du patrimoine maritime et fluvial préfigurée en 1992 par le sénateur Louis de Catuélan et Jean-Yves Le Drian, alors secrétaire d’État à la Mer. Sa mission est d’inventorier, sauvegarder et promouvoir le patrimoine maritime et fluvial national non protégé au titre des Monuments historiques. C’est dans ce cadre qu’elle a instauré en 2006 son fameux label BIP, le but étant d’alléger la charge des propriétaires pour l’entretien de leur bateau en les dispensant du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN). Un manque à gagner pour le Conservatoire du littoral auquel cette taxe est destinée, mais les deux organismes œuvrent bien pour une cause commune.

Pour faire labelliser son bateau, il suffit de s’inscrire sur le site de PMF où sont précisés les critères auxquels doit satisfaire le candidat. La décision d’attribuer ou non le label est prise par une commission qui se réunit une fois par an. Elle est constituée de cinq experts ainsi que des représentants des Douanes, du ministère de la Culture, du ministère de la Mer et des Transports, du Conservatoire du littoral, de la Fondation du patrimoine, de Voies navigables de France et de l’Association nationale des élus du littoral.

Si la candidature fait l’unanimité, le label est attribué. Dans le cas contraire, un vote confirme l’attribution ou le refus du label. L’exercice est parfois délicat. En effet, il est fréquent qu’un bateau doive sa survie à des modifications dictées par l’usage qu’en fait son propriétaire et qui est bien souvent différent de celui pour lequel le bateau avait été conçu. Alors, la décision ne sera favorable que si les transformations sont cohérentes et ne dénaturent pas les éléments constitutifs de son intérêt patrimonial.

Le label est attribué pour une durée de cinq ans renouvelable. Les bateaux labellisés font l’objet d’une fiche technique détaillée, accompagnée de photos, que l’on peut consulter sur le site de l’association.

À ce jour, la commission de labellisation s’est réunie à dix reprises. Elle a examiné plus de mille trois cents dossiers et mille deux labels ont été attribués. Il est intéressant de noter que les deux tiers des bateaux candidats étaient déjà dispensés du DAFN en raison de leur petite taille ou de leur ancienneté. Cela montre bien que les propriétaires recherchent davantage une reconnaissance de la valeur patrimoniale de leur bateau qu’une exonération fiscale.

D’abord réservé au patrimoine maritime, le label a été ouvert aux bateaux fluviaux en 2011. Aujourd’hui une cinquantaine d’entre eux ont été labellisés. Les bateaux fluviaux ne sont pas soumis au DAFN, mais doivent acquitter un droit de péage auprès de Voies navigables de France (VNF), qui a accepté que les BIP n’en paient que 10 %. Une bonne nouvelle pour le Willy, attributaire du millième BIP, qui n’est autre qu’une péniche en tôles rivetées de 30,73 mètres.

Ce « luxmotor » est construit en 1923 chez de Winter, en Belgique. Il travaille d’abord sur les voies d’eau de Belgique, puis est racheté en 1967 par Jean-Pierre Denty, héritier d’une longue lignée de mariniers, qui l’exploite sur le canal du Midi et le canal de la Garonne jusqu’en 1975. La péniche est alors acquise par une sablière du Lot, la société Biancato établie à Sainte-Livrade-sur-Lot. En 1995, Jean-Marc Samuel s’en porte acquéreur et la fait revenir sur le canal du Midi, où elle se fait connaître notamment comme atelier de menuiserie itinérant. Le Willy est désormais basé à Roubia, dans l’Aude.

Pour ce millier de BIP, le label ne représente pas seulement une économie fiscale. Il permet aussi, pour financer une restauration, de lancer une souscription publique sous l’égide de la Fondation du patrimoine avec laquelle PMF a signé un accord en 2014. L’association a également obtenu de plusieurs gestionnaires de ports qu’ils consentent des tarifs minorés pour les bateaux labellisés.

PMF réfléchit d’ailleurs à la création d’une application qui permettrait aux visiteurs de ces ports d’identifier les BIP qui s’y trouvent et de consulter leur fiche. La diffusion de ce savoir serait d’autant plus intéressante que la flotte est très diversifiée, le plus modeste canot y côtoyant L’Hermione.

<www.patrimoine-maritime-fluvial.org>

Crédit iconographique : PMF