© Save the waves coalition

Au Japon, de violents typhons frappent les côtes tous les ans en septembre. En 2014, à Amami-Oshima, île de l’archipel de Nansei dans le sud du Japon, l’un de ces événements climatiques avait balayé 6 000 mètres carrés de plage à Katoku, dans l’est de l’île, menaçant le cimetière et le village. Depuis, un bras de fer oppose les autorités, qui souhaitent construire une digue, à une partie de la population locale qui s’y oppose. Ces habitants mettent en avant la protection de l’environnement et la préservation de leur plage, l’une des dernières encore naturelles au Japon. Les vagues de ce petit havre de paix sont par ailleurs réputées chez les surfeurs.
Les opposants s’appuient sur les propos de certains scientifiques qui réfutent l’efficacité d’une digue. C’est le cas d’Edward Atkin, océanographe néo-zélandais, spécialiste des littoraux, qui a étudié les données et des photographies aériennes de la plage de Katoku prises chaque année. Selon lui, après le typhon particulièrement dévastateur de 2014, cette plage se serait reconstituée. Elle fonctionnerait donc naturellement comme une zone tampon : une quantité suffisante de sable serait rejetée au large lors des événements extrêmes pour servir de brise-lames en amont, avant de revenir ensuite avec les courants reconstituer la plage lors des périodes plus calmes. Une digue, au contraire, avertit le chercheur, supprimerait la capacité naturelle de la plage à absorber les effets des tempêtes, tout en accélérant l’érosion.
Autre argument des habitants : la plage a été incluse récemment à la « zone tampon » de la partie d’Amami-Oshima classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Cette petite baie abrite en outre des espèces menacées inscrites sur la liste rouge du département de Kagoshima.
Les experts du giec prévoient une montée des eaux due au changement climatique d’environ 26 à 77 centimètres d’ici 2100 en fonction des différents scénarios d’augmentation de la température globale de la planète. Pour répondre à ce défi, les États semblent souvent opter pour des solutions « en dur » – digues, brise-lames –, rapides à mettre en œuvre, mais qui ont tendance à aggraver l’érosion et ne sont pas pérennes. Les scientifiques, eux, défendent des solutions fondées sur la nature. Ils proposent des retraits de population dans les arrière-pays, mais évoquent aussi des solutions intermédiaires, des protections dites « souples », comme les sacs de sable ou la recharge des plages en sédiments – cependant très coûteuse.
À Katoku, le débat dure depuis 2015, et des blocs de béton sont déjà arrivés sur place. La plage sera peut-être bientôt bétonnée, à l’instar de nombreuses autres. ◼ M. L.-C.