Le 14 décembre dernier, à quatre-vingt-treize ans, James Wharram quittait ce monde terrestre. James était un pionnier, un battant, déterminé et visionnaire. Dès son plus jeune âge il a poursuivi ses passions pour la vie vagabonde, pour la justice, pour la navigation, pour les pirogues océaniennes dont il entendait prouver les qualités hauturières, pour devenir un « Homme de la mer ».

Ces passions firent de lui un précurseur de la navigation en multicoque et un architecte reconnu dans le monde entier pour ses catamarans à nuls autres pareils. Il concevait des bateaux pour ceux qui étaient prêts à rompre avec la société, des bateaux abordables avec lesquels ils pourraient, à leur tour, devenir des Hommes de la mer.

La vie qu’il avait choisie ne fut jamais facile, et il fut toujours en lutte avec les conventions et la pensée des gens « comme il faut ». Toute sa vie, James l’a ouvertement partagée avec plusieurs femmes à la fois, construisant des bateaux et naviguant ensemble.

James a réalisé tout ce qu’il s’était juré de faire dans sa vie, mais ce n’est que dans ses dernières années qu’il a reçu une certaine reconnaissance. Son dernier projet fut son autobiographie, sur laquelle il a passé bien des années, étant très critique quand il s’agissait de sa propre écriture.

Les gens parlaient de James comme d’un grand personnage, d’une légende vivante, mais lui-même n’en avait cure. Il se rendait compte que le fameux « clan Wharram » était composé de constructeurs et de navigateurs qu’il avait inspirés, mais à ses yeux, c’était eux, les vrais héros. Hélas, ces dernières années, le cerveau de James – dont il parlait toujours comme d’une entité séparée –, commença à lui faire défaut, à cause de la maladie d’Alzheimer. Ne pouvant plus supporter sa diminution, il a pris lui-même la décision extrêmement difficile de mettre un terme à son existence.

Avec courage il a mené sa vie ; avec courage il a choisi d’en finir. Au moment de déplorer sa perte, souvenons-nous des heures joyeuses et éclatantes de cette vie bien remplie. Ce n’est pas fini, son œuvre vivra avec moi, avec nous, et avec tout le « clan Wharram ». ◼