
Bannir l’usage du mercure dans le phare du Créac’h : telle est la raison invoquée par les Phares et Balises et la préfecture du Finistère pour installer un système de feu tournant à led sur le célèbre « promontoire » d’Ouessant, classé monument historique en 2011 ; ce changement réduira sa portée de 30 milles à 19 milles, entraînera son déclassement de feu de grand atterrissage à feu d’atterrissage secondaire, et diminuera le nombre de ses faisceaux.
Cette nouvelle a fait l’effet d’une bombe parmi les habitants de l’île, et bien au-delà, puisque la pétition lancée par le collectif Vent de bout’, relayée par Change.org, a recueilli plus de vingt-deux mille signatures à ce jour. De l’universitaire et auteure d’ouvrages sur l’île, Françoise Péron, au gardien de phare Louis Cozan, en passant par certains élus bretons, entre autres, les pétitionnaires s’émeuvent de cette atteinte au feu le plus puissant d’Europe, qui signale aux navires la proximité – mal pavée – du vieux continent.
Les arguments des deux camps semblent recevables : des phares dont les lentilles de Fresnel baignent dans le mercure, comme celui d’Eckmühl, sont ouverts au public ; pourquoi pas le
Créac’h, surplombant, en outre, le musée des Phares et Balises, actuellement en travaux ? D’un autre côté, la réduction de la portée est-elle si importante quand les pratiques de navigation ont changé ? Certes, la technologie n’est pas infaillible, et la présence familière du phare rassure tous ceux, pêcheurs ou plaisanciers, qui croisent la nuit dans les parages…
Quoi qu’il en soit, le bain de mercure du Créac’h doit être renouvelé cette année et l’Europe a prévu d’interdire ce produit à l’horizon 2030… les autorités ne font qu’anticiper une directive européenne qui, elle, ne s’embarrasse pas de sentiments pour ce patrimoine, aussi symbolique et remarquable soit-il. Nathalie Couilloud
Publié dans Le Chasse-Marée 344 – Avril-Mai 2025